Diamant : Le Québec entre dans la danse

Si le Canada est depuis une vingtaine d’années entré dans le club sélect des producteurs mondiaux de diamants, le Québec, malgré un potentiel jugé intéressant, n’en faisait pas partie. C’est aujourd’hui chose du passé avec le lancement du projet Renard, un site d’exploitation décrit comme l’un des plus prometteurs de la planète.

L’exploration diamantifère dans la Belle province ne date pas d’hier, elle est même centenaire. Dès 1910, le potentiel québécois ne fait aucun doute pour les prospecteurs qui se casseront les dents pendant des décennies sans dénicher le moindre carat. Quelques découvertes se matérialisent bien dans les années 1940 et 1950, sans toutefois faire du Québec un véritable eldorado du domaine.

Comme le relate le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, il faudra attendre près d’un demi-siècle pour voir les plus optimistes prévisions de l’époque se confirmer.

« Les travaux s’intensifient dans les années 1990, à la suite d’importantes découvertes de diamants dans les Territoires du Nord-Ouest. Les recherches se déplacent vers le nord du Québec, principalement, dans les régions des monts Torngat et des monts Otish. En 2001, la découverte des kimberlites diamantifères de l’essaim de Renard par SOQUEM et son partenaire, Les mines Ashton du Canada, fait de la région des monts Otish, le plus grand centre d’intérêt pour l’exploration du diamant au Québec. Avec la hausse de l’exploration par plusieurs sociétés, d’autres découvertes de kimberlites diamantifères sont à prévoir sur le sol québécois. »

Près de 15 ans auront donc passé avant que le projet d’une première mine québécoise de diamants ne soit officialisé. En juillet dernier, le premier ministre Philippe Couillard donnait le coup d’envoi du projet Renard de la société Stornoway, le premier gisement à entrer en exploitation dans les monts Otish. Et on ne parle pas ici d’un « petit » projet !

Au bout de plusieurs années de démarches, Stornoway a complété un montage financier de 1 milliard de dollars pour lancer concrètement le projet. La mine à ciel ouvert doit être en activité dès 2016, alors que la partie sous-terraine du gisement sera exploité à partir de 2018. Selon les chiffres avancés par la minière citée par Radio-Canada, 23,5 millions de tonnes de minerais pourraient être extraites de la mine Renard sur un horizon minimum de 11 ans de vie active, possiblement 20 ans selon la société exploitante.

Avec un demande sans cesse croissante et une offre moins volumineuse que par le passé, Strornoway voit grand et qualifie le site comme « l’un des gisements diamantifères non exploités les prometteurs au monde ». Et avec cette seule mine, le Québec deviendra du jour au lendemain le sixième producteur mondial de diamants.

Plan Nord et gouvernement

La mine Renard, située en plein territoire cri (premières nations autochtones) à 350 kilomètres au nord de Chibougamau, devrait permettre des revenus potentiels dépassant les 5 milliards de dollars grâce aux quelque 18 millions de carats qui doivent être puisés dans son sol. On annonce environ 850 emplois, dont 425 directs et des redevances avoisinant les 500 millions de dollars pour l’État québécois. On comprend alors mieux la décision gouvernementale de s’impliquer directement et à divers niveaux dans le projet.

Le premier ministre Couillard parlait même en juillet dernier de « grosse impulsion » donnée au projet par son administration. Dans les faits, Investissement Québec a mobilisé 220 millions de dollars en capital-actions et en prêts, alors la Caisse de dépôt et placement du Québec a rajouté 70 millions en capital-actions et en dépôts à terme. Le reste du financement de 1 milliard de dollars provient d’investisseurs privés.

Québec détient donc aujourd’hui près de 29 % des actions de Stornoway, et la Caisse de dépôt 6 %. Mais au-delà de l’attrait financier du projet, la symbolique est également très forte pour le gouvernement Couillard qui souhaite relancer l’ambitieux Plan Nord sensé développer le nord du territoire et booster la croissance économique de la province en attirant des milliards en investissements étrangers. «C’est un signal très clair de la relance du Plan Nord», a lancé M. Couillard lors de la conférence de presse officialisant le lancement du projet et cité par le quotidien La Presse.

Le Plan Nord est cet ambitieux projet de développement nordique qui a été lancé en mai 2011 par le gouvernement libéral de Jean Charest. Selon le présent gouvernement Couillard, il avait été négligé par le gouvernement péquiste de Pauline Marois. Les libéraux s’étaient donc engagés à le relancer. Et l’ambition ne manque pas ! Le Plan Nord doit peser 50 milliards de dollars d’investissements publics et privés avec 10 000 emplois par année à la clé sur un horizon de 20 ans.

Le premier ministre Philippe Couillard a avoué avoir senti le besoin de réaffirmer la volonté gouvernementale, ce que fait précisément le lancement de la mine Renard. «Le déclic, c’est d’inviter les gens en leur disant qu’il y a un plan, affirmait le premier ministre sur les ondes de Radio-Canada le printemps dernier. Dans l’esprit des investisseurs que j’ai rencontrés à l’étranger, il n’y avait plus de plan depuis deux ans.»

Le Québec sera donc sous peu un important producteur de diamants à l’échelle mondiale. Un atout de plus et une autre preuve de l’exceptionnel potentiel minier québécois que le Plan Nord vise à mettre en valeur.